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jeudi 30 janvier 2025

Submersion et budget

Depuis un mois et demi, nous avons un Premier Ministre qui connaît parfaitement le sens des mots et qui a, par ailleurs, une expérience politique de plusieurs décennies. Il sait donc parfaitement les conséquences du vocabulaire utilisé, aussi bien pour ce qui est de la signification du mot lui-même, que pour la perception qu’en auront ceux qui l’entendent. Ce serait lui faire injure que de considérer qu’il ne l’a pas fait exprès.

Ainsi, en parlant de submersion à propos de la présence d’étrangers sur le territoire français, Monsieur BAYROU a incontestablement voulu montrer à ses partenaires de droite et à l’extrême-droite qu’il était très au fait de cette question qui sert de « fonds de commerce » depuis toujours à la Droite et à l’extrême-droite. De ce point de vue-là, il a réussi. Peut-être n’a-t-il pas mesuré à l’avance les réactions de la Gauche et des Socialistes en particulier. Ces derniers ont immédiatement suspendu les discussions en cours avec le Gouvernement sur le budget 2025, non pas dans la perspective de le voter (les Socialistes, dans l’opposition, voteraient contre ce budget s’il était soumis au vote des députés) mais de ne pas s’associer à la censure qui suivra inévitablement l’usage du 49.3.

Le processus n’est cependant pas arrivé à son terme puisque la commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs a pour mission de soumettre un texte aux parlementaires. Le budget est un sujet qui est en débat. L’usage d’un mot, lourd de sens lorsqu’il désigne des êtres  humains, nécessite  davantage  qu’une  explication  de  la  part  de celui qui l’a prononcé. Parce que nous sommes loin d’être « débordés », « envahis complètement », selon la définition de la « submersion » dans le dictionnaire, Monsieur BAYROU doit reconnaître que ce mot était inadapté à la situation. C’est à cette condition qu’il redeviendra un interlocuteur crédible et responsable.

Demeure néanmoins posée la satisfaction des revendications des Socialistes, en matière budgétaire. Le Sénat a adopté un texte qui ne répond pas à leurs exigences. De bonnes âmes, à droite, mettent en avant le sens des responsabilités du Parti Socialiste pour que ses députés ne censurent pas le Gouvernement. Des commentateurs, dans les médias, évoquent l’état de l’opinion dont une majorité, nous dit-on, ne voudrait pas de nouvelle censure.

Une responsable politique se doit de connaître et de tenir compte des attentes de ses concitoyens. En même temps il doit être ferme sur la défense de valeurs et de principes. Cesser de s’y référer entraîne inévitablement vers la compromission. La balle est donc bien dans le camp du Premier Ministre. Celui-ci a sa « feuille de route ». Il doit répondre favorablement aux demandes budgétaires des Socialistes pour aller le plus loin possible en matière de justice sociale. Il doit également clarifier sa position en regard de l’immigration. Les deux sujets bien que différents sont à traiter simultanément.