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vendredi 16 octobre 2009

UN PIEGE POLITIQUE REDOUTABLE

Vous trouverez, ci-dessous, la contribution par laquelle j’ai souhaité alerter l’opinion sur le piège politique redoutable que constitue le projet de réforme des collectivités territoriales.
Cette contribution a été publiée dans le quotidien Le Monde du 17 octobre 2009.

Un piège politique redoutable

Alors qu'il aurait pu être fondamental pour la réaffirmation de la démocratie locale, le projet de réforme des collectivités territoriales s'apparente désormais à un piège politique redoutable. Le gouvernement avait en effet le choix : soit proposer une réforme ambitieuse qui renforce la décentralisation, soit promouvoir par tous les moyens l'UMP, au sein de ces collectivités.

Désormais, le doute n'est plus permis. La seconde tentation l'a emporté. Essentielle aux yeux du président de la République, l'élection des conseillers territoriaux en témoigne. La création du conseiller territorial était déjà une idée contestable puisqu'elle réduit considérablement le nombre des élus locaux qui sont pourtant les interlocuteurs quotidiens de nos concitoyens et constituent le maillage apprécié d'une véritable démocratie de proximité. Ainsi "moins de fonctionnaires", "moins de juges indépendants", "moins d'élus de terrain" sont devenus les raccourcis démagogiques d'un Etat qui se dévoile chaque jour un peu plus dominateur.

Mais ce n'était pas assez de supprimer des élus. Il fallait y ajouter un charcutage annoncé de nos cantons et un scandaleux tripatouillage du mode de scrutin. Le charcutage est évident. A partir de circonscriptions législatives nouvellement redécoupées au détriment de la gauche, le gouvernement se propose de rajouter l'injustice à l'injustice en créant de nouveaux cantons dont la géographie sera - de manière bien trop prévisible - complaisante pour l'UMP.

Pour le mode de scrutin, le tripatouillage est total avec la suppression du deuxième tour, distinctif de la démocratie française depuis des décennies. Ainsi, un candidat pourrait être élu conseiller territorial avec moins de 20 % des suffrages dès lors qu'il serait placé en tête au tour unique. Or la France n'a jamais été une démocratie bipartisane comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne et le scrutin majoritaire uninominal à un tour n'y est donc absolument pas transposable.

Main basse sur les territoires

Pour le gouvernement, il s'agit donc bien de faire main basse sur les territoires locaux afin que la majorité des régions et départements tombent dans l'escarcelle présidentielle, ce qui aurait l'avantage masqué, mais stratégique, de conforter la majorité de droite au Sénat. Pour justifier un tel dessein, tous les moyens sont bons, y compris ceux qui relèvent d'une démagogie éculée, voulant faire croire à une gestion des territoires dispendieuse, alors même que l'Etat n'a cessé de leur transférer des compétences.

Nous sommes tous soumis à l'exigence d'une bonne gestion. Or le projet gouvernemental entend brider les collectivités en supprimant la clause générale de compétence, consubstantielle pourtant à toute idée de décentralisation parce qu'elle marque la différence entre une collectivité libre de gérer ses propres affaires et un établissement public contraint dans des compétences spécialisées.

En l'état, cette réforme marque une régression considérable : elle met à bas les fondements de notre République décentralisée et pervertit l'essence de notre démocratie locale.

Bernard Derosier, député (PS) du Nord, président du conseil général.