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jeudi 6 novembre 2025

Risque de censure

Tant que le débat budgétaire en cours n’est pas terminé, d’une façon ou d’une autre, la menace du vote d’une motion de censure pèse et pèsera sur le Gouvernement. On peut facilement imaginer que ce gouvernement, LECORNU 2, comme il est convenu de l’appeler, a été nommé pour gouverner, pas pour être censuré. Or l’absence de majorité pour le soutenir et, à l’inverse, l’existence d’une possible majorité pour le censurer en fonction du positionnement des forces politiques à l’Assemblée Nationale rend l’avenir très incertain. La question posée est donc : faut-il censurer ou non ce gouvernement et, surtout, que se passera-t-il après un éventuel renversement de ce gouvernement ?

Si on le savait précisément, ce serait facile d’imaginer la suite mais la politique n’est pas une science exacte et son déroulé n’emprunte pas toujours les chemins souhaités. « Gouverner c’est prévoir » écrivait dans les années 1800-1850 Emile DE GIRARDIN, journaliste et député de la Gauche républicaine. « Gouverner c’est choisir » déclarait Pierre MENDÈS-FRANCE en juin 1953. Il ajoutait : « choisir, c’est renoncer ». Ces références doivent être présentes dans les analyses et les réflexions des députés socialistes qui, par les décisions qu’ils prendront, ouvriront une période dont la suite sera complètement différente selon les cas.

Quelques députés socialistes, sans doute inspirés par les frondeurs de la législature 2012-2017, expriment la volonté de censurer le Gouvernement, en désaccord avec la ligne décidée jusqu’alors par la direction du Parti Socialiste. Cette ligne se justifiait (et se justifie encore) par les réponses positives aux exigences de justice fiscale et de justice sociale. Toutes les réponses apportées à ce jour, tant par le Gouvernement que par les majorités de circonstance qui votent contre des mesures allant dans le sens souhaité, ne sont pas satisfaisantes. Le vote d’une motion de censure redevient donc une possibilité. Elle ne doit cependant pas être utilisée dans la précipitation. 

« Il faut donner du temps au temps » écrivait Miguel DE CERVANTÈS, auteur de Don Quichotte, à la fin du XVIème siècle. François MITTERRAND utilisait fréquemment cette formule. Elle est, elle aussi, aujourd’hui, une référence qui doit tempérer les ardeurs « censuriennes » de quelques-uns. 

Cela dit, le Gouvernement ne peut pas se retrancher derrière le débat parlementaire pour attendre que les choses se passent. Nous sommes arrivés à un moment où l’Exécutif doit dire ce qu’il souhaite. C’est vrai pour la fiscalité, créatrice de recettes budgétaires. C’est vrai aussi pour quelques domaines de l’action politique : santé, éducation, protection de l’environnement, pouvoir d’achat. Faute d’un affichage clair et sans ambiguïté de la part du Premier Ministre, faute de la démonstration par la macronie que le compromis est possible, on en reviendra à la case départ, celle qui fut créée par la dissolution de juin 2024. 

lundi 3 novembre 2025

Sortir de l’impasse

Le budget de l’Etat pour 2026 et celui de la Sécurité Sociale sont au centre des commentaires de tous les observateurs de la vie politique française. Le débat qui se déroule au Parlement est en soi une situation inédite depuis l’instauration de la Vème République en 1958 : pas de majorité à l’Assemblée Nationale, renoncement par le Premier Ministre à l’usage du 49.3, menace de renversement du Gouvernement (ce serait le 3ème en 16 mois) avec, à la clé, une possible dissolution. Cette dernière, on le sait, ne servirait que les intérêts électoraux de l’extrême-droite.

Si les parlementaristes se réjouissent du rôle dévolu au débat parlementaire, ils doivent aussi imaginer la sortie de ce qui s’apparente à une impasse politique. Les exigences des Socialistes en matière de justice sociale et de justice fiscale ne sont pas toutes satisfaites. C’est donc bien à ce qu’il est convenu de dénommer le « bloc central », c’est-à-dire, la macronie et à la Droite dite républicaine, d’accepter des avancées dans ces domaines. Ce sont donc bien les mêmes qui portent la responsabilité du blocage et des éventuelles conséquences qui suivraient une censure et une dissolution.

Or, rappelons que ce « bloc central » s’est constitué en 2021 pour soutenir Emmanuel MACRON à l’élection présidentielle de 2022 puis aux élections législatives qui ont suivi. Si l’actuel Chef de l’Etat a pu être réélu, par défaut compte-tenu de la présence de la candidate d’extrême-droite au second tour, il n’en fut pas de même pour la majorité présidentielle sortante. Elle n’était plus alors que relative. Cette relativité s’est aggravée au lendemain des élections législatives de 2024 qui ont fait suite à la dissolution inconsidérée décidée par le Président de la République.

En d’autres termes, la situation bloquée dans laquelle la France se trouve est du seul fait du Chef de l’Etat.

On fait souvent référence, ces derniers temps, au Général DE GAULLE, à son discours de Bayeux en 1946. Dans ce discours, celui qui allait devenir douze ans plus tard le premier président de la Vème République exposait sa conception d’un pouvoir exécutif fort. C’est ce qu’on retrouvera dans la Constitution du 4 octobre 1958. C’est parce qu’il n’a pas été suivi par une majorité de Françaises et de Français lors d’un référendum en avril 1969, qu’il démissionna de ses fonctions de Président de la République.

Depuis 2022 et le second quinquennat d’Emmanuel MACRON, toutes les élections ont montré le désaveu d’une majorité de Français à l’égard de la politique menée depuis 2017. Le premier responsable, en l’occurrence le Chef de l’Etat, n’en a pas tiré les conclusions qui auraient dû s’imposer. 

L’ego, en politique, doit avoir ses limites.